La poésie de Gégé

C’est une poésie qui m’a été dictée sur le moment par Gégé, qui est une fille qui fait de la poésie formidable, mais qui a peur des mots, alors elle n’en écrit pas.

 

Quotidien

La voisine, elle fait trop de bruit

Son mari picole

Le locataire est parti en prison

Ils ont pété la porte

à coup d’extincteurs

Elle a jeté un pot de nutella sur les policiers

Ça fait un mois qu’il n’y a plus de lumières

Il jette des pétards sur mon chien

Si ça continue, je paye plus mon loyer!

C’est mon quotidien

de gérante HLM

C’est le quotidien des gens!

Je passerai vous dire bonjour.

[18/03/16 au café Nova, Gégé]

 

Poetico-érotico-hérétique #1

Elle avait failli rater le chemin de terre, caché au bord de la route étroite entre les arbres du bosquet. Elle essaya de se rappeler depuis combien de temps elle n’était pas venue dans la petite maison de ses arrière-grand-parents. Sept ou huit ans se dit-elle. Ou peut-être bien dix ans. Le passage dans le sous-bois s’ouvrit tout à coup sur l’étroite vallée encaissée, les prés couverts de hautes herbes et le petit ruisseau, lieu de tout ses jeux d’enfants, qui s’écoulait tranquillement jusqu’au bosquet suivant. Lorsqu’elle entra dans la maison et ouvrit fenêtres et volets sur le paysage disparaissant avec le soleil du soir, un sentiment inédit l’envahit; un sentiment d’appartenance, d’apaisement, de mélancolie teintée de tristesse. Elle rangea les courses dans le cellier, seule autre pièce de la maison, et s’allongea sur la banquette, inspirant à plein nez les arômes de la pièce et les senteurs se faufilant par les fenêtres. Elle s’endormit aussitôt, sans pensées. Le lendemain matin, après un petit déjeuner rapide, elle s’employa à dépoussiérer les meubles, aérer les tissus, avec une énergie qu’elle n’avait pas éprouvée depuis longtemps. Elle avait encore deux jours à passer seule avant que ses amis n’arrivent pour le week-end. En y pensant elle se mordit les lèvres: elle n’avait soudain plus envie de partager ce lieu avec des étrangers à son enfance, à ses souvenirs. Elle chassa cette pensée d’un mouvement de la main, agrippa une couverture, un livre et descendit vers l’ombre du bosquet, près du ruisseau.
Elle fut réveillée soudain par une sensation de chaud sur son front: elle avait du s’endormir à l’ombre un long moment, la lumière du soleil la recouvrait maintenant entièrement. En se tournant, elle eu un mouvement de surprise : une tête émergeait, dos à elle, à une petite distance, semblant flotter entre les herbes folles. Elle reprit doucement ses esprits et se souvint qu’à cette courbure du ruisseau, le terrain s’arrêtait brusquement et surplombait d’hauteur d’homme une petite crique. En y pensant, elle sourit. Cela leur paraissaient tellement haut, quand petits, ils se défiaient entre cousins à sauter vers le ruisseau. Elle observa un court instant la tête flottante, sans oser faire le moindre bruit. Les cheveux étaient courts, et la nuque, gracile, décrivait une courbe harmonieuse jusqu’au début des épaules. Des petites taches de soleil parsemaient les cheveux, créant un reflet doré presque aveuglant. Une légère décharge électrique lui parcourut le corps des pieds à la tête, elle n’arriva pas à déterminer pourquoi.
– Bonjour.
La tête se tourna, laissant place au visage fin et souriant d’une jeune femme, la trentaine, la peau tannée d’une vie passée en plein air, les yeux noirs scintillants d’une joie paisible.
– Ah bonjour, je ne voulais pas vous réveiller, mais je crois que le soleil l’a fait pour moi, dit-elle, en mettant sa main au-dessus de ses yeux. Elle chuchotait presque.
– Regardez, une renarde et ses petits. Elle leva doucement le bras en direction d’un talus, un quinzaine de mètres plus bas. Une renarde léchait un de ses renardeaux et les autres jouaient entre eux, jappant, encore maladroits dans leurs jeux et leurs mouvements. Jane s’était approchée à plat ventre sans bruit du bord du terrain et posa sa tête sur ses bras croisés, tout en continuant d’observer le manège de la mère et de ses petits. La tête flottante avait maintenant un corps, et Jane pouvait sentir son odeur, un mélange d’herbe et de soleil, et elle sentit un petit pincement dans sa poitrine. Elles regardèrent encore un moment, osant à peine respirer, les jeux des renardeaux sous l’oeil attentif de la renarde, jusqu’à ce que l’un des petits effectue une chute si comique, qu’elles ne purent s’empêcher d’étouffer un rire. La renarde se redressa aussitôt, poussa ses petits dans un renfoncement qui semblaient être l’entrée de leur terrier et en quelques secondes, ils avaient disparu. La tête se tourna de nouveau vers Jane, et elle sentit le souffle sur son coude ce qui ne manqua pas de la faire frissonner.
– Au fait moi, c’est Luce, et tu es? Elle lui tendit la main lui offrant la vue sur ses seins ronds, laissés libres dans un débardeur légèrement déformé d’être trop porté.
– Luce… Je veux dire, moi, c’est Jane. Elle se sentit rougir et passa sa main dans ses cheveux, embarrassée. Luce sourit et ses yeux brillèrent de plus belle.
–  Ah oui, Jane. Il me semblait avoir vu une voiture sur le petit chemin hier. On peut le voir depuis notre maison. Tu restes pour quelques jours?
– Oui, des amis viennent pour le week-end, puis j’en profite encore quelques jours toute seule. Luce était remontée en un mouvement souple sur le talus, et Jane se sentait légèrement intimidée par sa présence et ses yeux qui semblaient la mettre à nue à chaque seconde. Elles commencèrent à remonter le pré en longeant la rivière.
– En tout cas, si tu as envie de compagnie ce soir, on t’invite à la maison, si tu veux. On aura une anecdote à raconter!
Jane ne savait pas à quoi elle faisait allusion, mais elle opina d’un léger mouvement de tête.
– A tout à l’heure, alors? il faut que j’y aille, là.
– A tout à l’heure.
Jane se retourna en direction de là où elles étaient venues et soudain repartit en courant vers Luce.
– Attends Luce, c’est où chez toi? Tu veux que j’apporte quelque chose pour ce soir?
Dans sa précipitation, elle s’était cognée contre Luce et lui avait agrippé le poignet. Sa peau se cribla de chair poule et la proximité de leurs corps lui devint presque immédiatement insupportable.  Elle sentit son coeur battre dans son sexe, et eut soudain très chaud, son corps comme vibrant à une fréquence élevée, et chaque seconde semblait s’écouler si lentement, qu’elle pouvait voir les cils de Luce battre au ralenti. Luce leva doucement les yeux vers elle, et avec une pointe de déception dans la voix, lui demanda d’une voix douce:
– Tu ne te souviens donc de rien.
Jane eu un moment de vertige. La fête votive. Le retour jusqu’à la grande ferme. La nuit dans le grenier. Et le matin. Et…
– Je…
– Chut…
Luce caressa doucement son visage avec sa main puis avec ses lèvres, frôlant ses yeux, sa bouche, sa nuque, remonta jusqu’à son oreille.
– Moi, je n’ai pas oublié, lui chuchota-t-elle. Jane était comme pétrifiée, submergée par la chaleur de son sexe, la ciprine commençant à inonder sa culotte, ses tétons se raidissant à mesure que les caresses de Luce se transformaient en baisers. Ses jambes cédèrent sous elle et Luce accompagna sa lente chute, tout en caressant ses seins, pointant vers le ciel. Lorsqu’elle approcha sa langue du têton, Jane ne put étouffer un râle, et dit, dans souffle – Si, je me souviens. Le corps chaud de Luce était tout contre elle, sa cuisse pressant doucement son sexe qui était maintenant plus qu’humide. Luce dégrafa le short et passa rapidement sa main sous la culotte, avant de lui enlever prestement l’ensemble. L’herbe rêche piquait les fesses de Jane, mais cela ne faisait que rajouter à son excitation. Elle enfonça les doigts dans la terre, ficha des épines sous ses ongles. Luce lui embrassait maintenant le bas ventre, tout en lui tenant le sein fermement dans la main. Lorsque Luce écarta de l’autre main les lèvres de son sexe et y posa sa langue, Jane poussa un petit cri. Son corps entier était devenu sensible et chaque contact avec le corps de Luce l’envoyait un peu plus haut dans l’extase. Au bout de quelques coups de langue, Luce posa un doigt sur son clitoris et Jane jouit si fort que son hurlement résonna encore longtemps dans la vallée.

A suivre…

Poésie tout terrain #3

[Poésie tout terrain, c’est de la poésie personnelle faite avec les autres, c’est à dire de la poésie écrite en atelier, avec des copains, dans des canapés, dans des bars et jusque sur les pavés!]

Arbre

Arbres, racines, temps fragiles

Sur les champs de blés

Tu croises encore le chant

des sirènes égarées

et si les bouches s’ouvrent

pour venir t’embrasser

tu les laisses venir

en toi s’enlacer

et quand au printemps

tu revis à nouveau

de toutes ses rencontres

tu refais ton berceau

Arbre des heures sombres

il est temps pour de bon

de t’ouvrir au monde

que l’hiver a fécond.

 

Livepoesie #5

La pinte douce

Les rencontres des fonds des bars

quand il n’y plus

ni soif

ni soir

au milieu des matinées

je chope les mots

au vol

sur leur lancées

et signe encore

sans y penser

deux trois images

à la volée

remercie les rencontres

qui me les ont

déposées

Livepoesie #4

Sur les bords de Saône

Une nonne marche sur les bords de Saône.

C’est un de ses lendemains moroses

Je ne vais pas m’excuser

d’être ce que j’ai toujours été

Il me semble que la vie me doit plus à moi qu’à Lui

Toi Dieu auquel je ne crois pas

Toi Dieu qui ne guide pas mes pas

puis-je quand même t’aimer

lorsque mes pas se troublent

et de ton fils les pieds baiser pour apaiser

mes souffles.

Tout ça parce qu’une nonne marche sur les bords de Saône.

 

La comédienne

C’est ça

la comédienne

elle te donne tout

entièrement

et reprends

tout autant

ne peux pas s’engager

Tu comprends, c’est au cachet!

fait semblant

un moment

te laisse croquer

à la pomme

mais n’y laisse pour trace

que l’empreinte d’une seule dent

Elle te fait sortir à vue

sur le plateau de ses égos

Et lorsque plus aucun poil

à nu

n’est visible par

les machinos

te relègue aux cintres

pour t’y pendre plus aisément

Et rejoindre suspendus

le défilé de ses amants

Moi au moins, j’me sens tranquille

là-haut je serai

la seule a[i]mante!

 

 

Livepoesie#3

Clusaz 13/03 #3

 

Les mots

s’intersticent

au milieu

des êtres

et des sois

et tracent

en subreptice

la trame

des soirs

où il faut

que les drames

nécessaires

se jouent encore

une fois

se répètent

et les croix

que nous portons

s’alourdissent

des maux

que nous ne voulons

plus vivre

ou revivre

sur les tons

qui avaient été

donnés

autrefois

Il faudrait

extraire

de toutes ces matières

un souffle de renaissance

de souffle nouveau

de nouvelles arborescences

et recréer encore

un passé

sans ses souffrances

et rire à nouveau

ensemble

des mots

qui n’ont pu

souvent

n’être

que des signes

d’impuissances.

 

Livepoesie #2

Clusaz 13/03 #2

 

Il y a cette femme

formidable

entière

belle d’être ce qu’elle est

mais qui ne peut pas

devenir

ce qu’elle est

depuis toujours

parce que

elle est née ailleurs

elle est née quelque part

et ce quelque part

n’est pas le mien

ce quelque part

ne peut pas être

le sien

elle n’est plus

ce qu’elle a été

elle est toujours

ce qu’elle est

et elle se balance

entre la France

et son enfance

et en face

des choix de l’existence

il y a toujours

le choix

de vivre là

où de vivre ailleurs

mais pas pour tous

pas pour toi

qui est née au pays

des villes folles et des jungles

du soleil qui se lève plus loin

que ce que je ne me lèverais jamais

et si il faut

pour que tu sois

ce que tu as toujours été

alors nous ferons

ce qu’il faut

pour que tu vives toi

ce que tu es

enfin

Livepoesie #1

Clusaz 13/03 #1

 

C’est un soir

où on boit

où on mange

où on danse

où on chante

les vieilles chansons

oubliées

celles

qui paraissent encore

surannées

mais

Quand

Elmore James

chante

une chanson

qui parle d’amour

de vie

de mort

on écoute et vit encore plus fort

ce qui

est

ce qui a

été

ce qui sera

peut-être

alors

on chante

on danse

on boit

on mange

aux amours oubliés

aux temps

qui ne seront plus jamais

à ceux

qui n’ont jamais été

et il fallait juste

un chalet à la montagne

un ciel bleu

et un hiver beau

pour que les choses

peut-être

se vivent

enfin

et on parle

du palpable

du toucher

de littérature

éphémère

et de ce qu’on est

sans vouloir être

alors on boit

encore une fois

pour être

ce que l’on n’a jamais été

pour être

ce que l’on ne sera jamais

Etat d’insurgérence

09/03 Ecrit dans l’urgence, dans la vague de l’insurrection ambiante

Il y a quelque chose de pourri dans ma démocratie

quand

des élus

restent

élus

alors qu’ils

votent des lois

qui apparemment

ne les concernent pas

468 députés

absents

pour voter l’urgence d’un état

voter l’ingérence d’un entre-soi

moi je vois déjà

le lobby policier

le lobby politico-financier

décider

de la vie et de la mort

de nos prochaines

années

Merci au

49/3

 

Il y a quelque chose de pourri dans mon état de droits

pour que

sans foi ni loi

celui

qui pour

dans sa jungle urbaine

survivre

vends son shit

aux parvenus

qui sont bien loin

de ses prisons

lui qui

est né au mauvais

endroit

au mauvais

moment et

se prend une peine

purge

ça me rappelle

en d’autres temps

la purge ethnique

et ça

c’est des trucs

qui font mal

au coeur au corps et à la tête

rien qu’à

y penser

mais maintenant

ça s’appelle

la purge

sociologique

 

Il y a quelque chose de pourri dans ma liberté

quand

les communautés

se referment

et

attisent les haines

et quand

je ne peux plus

aller quelque part

faire

quelque chose

avec

quelqu’un

parce que

ces endroits

ne sont plus

aussi ouverts

qu’ils étaient

autrefois

parce que

tout à coup

la rue

n’est plus

à tout le monde

mais

en tout cas

plus à toi

 

 

 

il y a quelque chose de pourri dans mon égalité

quand

mosquée et synagogues

sont brûlées

et que les curés peuvent encore

en toute impunité

détruire les âmes

de leurs

jeunes initiés

sans être

plus que ça

inquiétés

quand

être femme c’est

se battre deux fois plus

que

les hommes

pour

pouvoir enfin exister

Quand

dans une soirée

par son mari

sans cesse humiliée

c’est sa femme qui

le lendemain

prends son téléphone

pour

l’excuser

 

Il y a quelque chose de pourri dans ma fraternité

quand

on passe

encore

sans regarder

le pas-de-chance

qui git sur les pavés

et

qu’on se dit

dans un soupir

ça aurait pu

être moi

mais ça ne l’a

pas été

ça pourrait

être moi

mais ça ne l’est pas

Quand aux infos

on voit la jungle de Calais

et

en secouant la tête

on soupire encore

sans se dire

j’aurais pu y aller

j’aurais du y aller

je devrais y aller